Analyse historique (-1200 à +400) et anthropologique de la christianisation de l’Empire Romain
Introduction
Dominique Desjeux est anthropologue et sociologue, élève de Michel Crozier, et auteur de plusieurs ouvrages. Il a notamment écrit “Le marché des Dieux” qui explique comment naissent les innovations religieuses.
Il est spécialiste de l’analyse stratégique et ses travaux portent, notamment, sur l’organisation, l’analyse du changement et l’innovation.
La présente conférence a pour objectif de présenter une approche permettant d’expliquer “comment le christianisme a réussi ?”, cette approche reposant sur l’analyse du changement.
Contexte général
Il n’existe pas de société sans croyance. Et ces croyances, notamment religieuses, s’analysent par rapport à la protection qu’elles apportent dans la vie et par rapport à la mort. Le monothéisme, ou plus précisément l’existence d’un dieu dominant (hénothéisme), a pour origine l’ancienne Egypte avec Akhenaton et le culte du dieu du soleil : Rê. Il s’agit, à ce moment-là, d’une rupture fondamentale dans la religion avec ce dieu unique. On peut penser que Moïse a été influencé par cette nouvelle religion née en Egypte.
Les crises de l’histoire
Les crises sociales ont eu une influence forte dans l’évolution des religions.
Les grands moments de changements en matière religieuse et dans les sociétés sont, en effet, liés à des crises climatiques, des épidémies, des guerres, des difficultés économiques, … Ces crises font partie de l’histoire et l’on peut en identifier cinq qui ont conduit à la christianisation de l’Empire Romain.
La crise du cuivre
La première grande crise qui touche le bassin méditerranéen concerne l’exploitation du cuivre qui vient à manquer en raison de sa forte utilisation (civilisation mycénienne). Les régions les plus riches ont ainsi, selon la croyance, un dieu puissant qui les protège. La religion est perçue d’abord comme une question d’utilité. Il existe un lien fort entre croyance et efficacité. Un dieu puissant doit être protecteur, sinon on en change. Ainsi, Yahvé, un dieu du sud d’Israël est considéré comme puissant et protecteur.
La crise de l’exil
L’exil des juifs de Babylone touche une importante population estimée à 250 000 individus. L’affirmation du monothéisme juif, sous influence babylonienne, date de cette époque.
La crise de la domination grecque
Au IVe siècle avant Jésus-Christ, sous la domination grecque autour de la Méditerranée, le monothéisme juif prend son essor. Il est porté par le développement de la diaspora juive qui fait du commerce dans tout le bassin méditerranéen, par le prosélytisme et par la langue commune, la Koinè. Les principaux débats de cette époque tournent autour de la vie éternelle et de la circoncision.
Plusieurs groupes juifs apparaissent dont les Sadducéens (prêtres du temple), les Pharisiens qui ont protégé les textes du temple dans les grottes de Qumrân, les Zélotes qui sont des nationalistes, les Esséniens. A priori, Jésus faisait partie de l’un de ces quatre groupes. Il était vraisemblablement un pharisien.
La crise de la destruction du second temple de Jésusalem
La destruction du second temple en l’an 70 de notre ère constitue, pour le judaïsme, un enjeu de survie. Certains juifs estiment que cette survie de la religion nécessite de se recentrer sur la Torah et ses 613 règles. D’autres, au contraire, pensent qu’il faut simplifier les règles en se revenant aux bases de la religion, en plus de la promesse de la vie éternelle.
Après la destruction du temple, la population juive diminue de manière importante en passant de 7 (ou 5 millions) à 2 (ou 1 millions) en 500 ans. Pour les rabbins, pour être un bon juif, il est nécessaire d’aller à l’école. Du fait, en raison des règles compliquées de la religion, les juifs sont une population éduquée. Mais comme les cultivateurs juifs ne vont pas à l’école, ils préfèrent se tourner vers une sorte de “judaïsme simplifié”. Les chrétiens sont issus de cette scission au sein des juifs. Le christianisme va ensuite se développer autour des grecs.
La crise monétaire de l’empire romain du IVe siècle
Cette crise constitue un facteur de succès déterminant du christianisme. La monnaie romaine ne valant plus rien, l’empereur Constantin souhaite trouver un moyen de revaloriser sa monnaie afin de payer ses soldats. En adoptant le christianisme (édit de Milan), il peut aisément piller les temples des autres religions et s’approprier leurs richesses, ce qui va lui permettre de frapper une nouvelle monnaie, le “Solidus”.
Le concile de Nicée va ensuite créer des règles, c’est-à-dire une sorte de “standard”, qui va favoriser encore plus le développement du christianisme dans l’Empire.
NB : la présentation du Professeur Desjeux est disponible dans la partie de ce site réservée aux adhérents