Ce livre sur HvB résulte d’une réflexion sur la foi entendue comme quelque chose de plus large que la croyance en Dieu, croire en la parole de l’autre avec ce qu’il faut d’émotion et d’affect ; une réflexion qui est venue à l’auteur lors de l’écriture de son livre sur « les rouges » et du constat qu’elle fait de l’intrication du sentiment religieux et du sentiment politique (en l’occurrence dans l’Yonne où le souvenir du jansénisme recouvre l’implantation des « rouges » politiquement de gauche.
Il s’agit dans cette approche de désillusionner tout ce qui a contribué à faire de HvB ce qu’elle ne fut pas à savoir une mystique, une féministe, une modeste paysanne comme cherchera à nous faire accroire Régine Pernoud.
HvB n’est en aucun cas une mystique mais bien une théologienne qui sera d’ailleurs reconnue par Benoît XVI comme Sainte et quatrième docteur de l’Eglise. Notons que Benoît XVI a remis au goût du jour pour la célébration de la messe les pratiques posturales et de respiration recommandées par HvB,
HvB est de nos jours réappropriée par l’Eglise qui voulait récupérer une certaine néo-spiritualité qui lui échappe, HvB ayant été adoptée par le « new age ».
HvB a aussi été adopté par les féministes, ce qu’elle n’a jamais été.
HvB sort du réclusoir à 14 ans (lorsque Konrad III devient empereur) et consent à entrer au couvent (sans qu’on l’y oblige). Elle fonde un premier monastère puis d’autres , à chaque fois plus grands et luxueux car « nous devons offrir notre beauté à Dieu ».
HvB est le seul auteur en Occident d’un traité de médecine « les causes et les remèdes ». Elle considère les plantes comme un moyen donné par Dieu pour rétablir l’harmonie psycho-somatique, même si elle est peu précise sur les doses et que ses écrits laissent une large part à l’interprétation.
HvB a écrit 70 poèmes/symphonies chantés à plusieurs voix ; une musique extatique construite dans le souci d’une résonance des sons visant à calmer le corps.
L’extase est en fait béatitude c’est-à-dire entrée dans l’énergie divine ; ses visions sont hypra-théologiques et inspirées essentiellement par l’Apocalypse, mais l’explication théologique qu’elle en donne est complètement orthodoxe avec la doctrine chrétienne.
Son principal concepts est la « viriditas » (ce qui est vert) : il y a une énergie divine qui s’incarne dans la création, un principe de vie biologico physique, ce qui définit un naturalisme chrétien peu en phase avec la doctrine chrétienne traditionnelle telle qu’elle sera figée ultérieurement par Thomas d’Aquin au XVIème siècle. Il est peu probable qu’elle ait lu Abélard mais sa conception est tout aussi originale et novatrice.
HvB condamne le prophétisme alors que sa postérité sera persuadée que son œuvre est prophétique.
HvB est une création de Bernard de Clairvaux qui l’a reconnu comme prophétesse. BdC c’est-à-dire les cisterciens critiques de la richesse des clunisiens, dénonçant la collusion entre l’Eglise et les seigneurs, prônant le travail manuel mais aussi le profit.
HvB est pourtant issue d’une église allemande Reichkirche très traditionnelle si ce n’est archaïque. Elle vit dans le luxe et le grand confort de ses couvents fréquentés par des jeunes filles de la haute aristocratie contrairement à l’image sainte que nous pourrions avoir.
Même si elle est moins éduquée qu’Eloïse, elle sait prêcher et chanter en latin.
Dès 1230 il est question de la canoniser. Un moine du XIIIème siècle fait un florilège de citations d’HvB afin de démontrer qu’elle ne fait pas de prophéties, mais ce florilège sera interprété exactement à l’inverse des intentions de l’auteur.
Au XVème siècle Johannes Trithemius, un des premiers humanistes, célèbre pour ses découvertes en cryptologie, redécouvre des documents anciens et publie la troisième mouture de la Vita Hildegardis : toute référence à l’origine aristocratique d’HvB est effacée alors qu’elle appartient à la très haute aristocratie allemande (famille de Frédéric Barberousse). Car à l’époque de la querelle du Saint Empire Romain Germanique, l’Eglise veut à tout prix masquer le lien avec Barberousse. C’est aussi l’époque de l’apparition des ordres mendiants et de la même façon qu’on gomme l’origine sociale des saints à partir du XIIème siècle, il est tout à fait inapproprié de faire apparaître HvB dans sa condition d’aristocrate.
Il faudra attendre le XIXème siècle pour qu’une moniale d’Eibingen Marianna Schrader remette en cause la prétendue origine paysanne d’HvB.
HvB a toujours cherché à maintenir un équilibre politique entre Konrad III et Frédéric von Hohenstaufen Barberousse.
Le deuxième Reich fait d’HvB une idole du nationalisme allemand, une Jeanne d’Arc pourrait on dire. Le troisième Reich en 1941 date de parution de la thèse de Maria Schrader célèbre la Sainte et lance l’opération Barbarossa.
Reste qu’aujourd’hui encore coexistent deux courants parallèles concernant HvB : la théologienne très politique dont les textes sont passionnants et la pseudo-mystique new age vendeuse de plantes thérapeutiques.

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