Résumé de la conférence de Jean-Marc Narbonneau Cercle Ernest Renan le19 octobre 2022 — La Liberté d’Expression chez les Grecs

pierre Comptes Rendus, Philosophies juillet 28, 2025

 

« Nous sommes les héritiers de la culture et de la liberté des Grecs ».

 

 

Introduction

Les premiers théoriciens de la démocratie grecque sont d’abord les sophistes, et notamment Protagoras, bien avant Platon et Aristote. Protagoras est un sophiste que Platon combattait. Mais Aristote exprime des positions proches de celles de Protagoras, même s’il ne le reconnaît pas expressément et s’il ne l’assume pas. De fait, les liens existants entre la pensée de Protagoras et celle d’Aristote n’ont pas été beaucoup étudiés. Pour Protagoras, la vie en cité est un fait culturel, ce qui reste vrai aujourd’hui. Pour Aristote : toutes les lois évoluent dans le temps et selon les cités. Mais certaines lois évoluent rapidement et d’autres plus lentement. Et les lois qui changent lentement peuvent être considérées comme « naturelles ».

 

Ce que la démocratie grecque rend possible sur le plan culturel

L’effet de liberté qu’induit l’instauration d’un régime démocratique s’opère sur trois axes : la liberté philosophique, la liberté politique, la liberté artistique.

 

Liberté philosophique

La liberté de pensée exprime l’idée que tout n’est qu’opinion. On recherche ce qui est bon et souhaitable, mais pas nécessairement ce qui est ancestral.

En ce qui concerne la religion, Xénophane a une pensée critique sur les traits anthropomorphistes que l’on donne à la représentation religieuse des dieux.

Protagoras, de son côté, exprime la pensée suivante concernant l’existence des dieux : « je ne peux me prononcer car je n’ai pas d’expérience sur le sujet ». Pour autant, ce message n’est pas nécessairement celui d’un agnostique.

Selon la théologie naturaliste (ou des philosophes), les dieux sont une hypothèse.

Chez les polythéistes, notamment chez les Grecs, les autres dieux sont une opportunité. Et il n’y a généralement pas d’imposition d’une orthodoxie. La religion grecque n’a pas de texte sacré, pas de prêtres, ni de clergé de métier à Athènes. Ceci rend donc possible la libre interprétation de certains rites.

 

Liberté politique

Athènes est plus libérale que les autres cités antiques. On est si libre à Athènes que l’on peut vanter Sparte alors que l’inverse est impossible. Combien de temps Socrate aurait-il pu survivre à Sparte ?

Les Athéniens sont moins intolérants que les autres citoyens grecs et pratiquent le « franc parler ».

Socrate est le seul que les Grecs ont fait mourir pour ses opinions. C’est le seul cas connu de procès et de condamnation pour « délit d’opinion » à Athènes. Athènes a enduré très longtemps Socrate et ses critiques, et c’est cela qui est étonnant.

Il a été notamment reproché à Socrate de corrompre la jeunesse et d’avoir une influence pernicieuse sur elle en lui demandant de ne pas participer à la vie démocratique de la cité. Par son attitude lors du procès, Socrate a « forcé » Athènes à le condamner. Le cas de Socrate peut être considéré comme le contre-exemple de ce qu’est la démocratie à Athènes. Mais, en réalité, tout régime en situation critique peut devenir intolérant. A Athènes, il existe un lien très fort entre la vie démocratique et la vie libre. Et, en cela, Socrate s’y oppose.

 

Socrate, comme Platon, sont des anti-démocrates. Socrate était lié aux oligarques.

En réalité, le procès de Socrate s’apparente à un règlement de compte. L’accusation d’impiété faite contre lui à l’époque est équivalente à ce qui serait aujourd’hui dénoncé comme un « trouble à l’ordre public ».

Pour Aristote, une des formes de la liberté est de pouvoir successivement être gouvernant et gouverné. La démocratie, c’est la possibilité de vivre comme on le veut. Et la servitude c’est de vivre comme on ne le veut pas.

Dans la démocratie moderne, on vote pour des représentants qui s’occupent de tout à notre place, ce qui nous permet de nous consacrer à d’autres tâches.

Alors que dans la démocratie d’Athènes, les citoyens doivent prendre position et ont liberté de participer à la vie publique.

 

Liberté artistique

Cette liberté permet de se projeter dans ce qui « pourrait être », notamment au travers de la pratique poétique. On peut ainsi devenir crédule pour entrer dans le jeu de l’irréel. Dans la littérature Grecque, on distingue :

  • L’histoire
  • La fiction (ou plasma) qui raconte, comme si c’était vrai, et trompe en dissimulation,
  • Le mythe qui est un évènement non avéré et faux.

Dans la littérature Grecque, le meilleur, c’est celui qui ment le mieux. L’inventivité permet la découverte et la production du neuf. Dans la poésie de Lucien de Samosa, le « Voltaire de l’antiquité », règne une liberté absolue.

Du point de vue de la poésie, l’impossible qui persuade peut être considéré comme supérieur au possible qui ne persuade pas. Pour Aristote, le poète doit plaire et pour ce, tous les moyens sont bons, y compris le mensonge.

Homère, quant à lui, a appris aux poètes l’art de la tromperie nécessaire.

Création de la métaphore : c’est la seule chose qui ne peut être prise d’un autre.

 

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