Missions catholiques intérieures et extérieures
Introduction
Guillaume Garnier étudie l’anthropologie religieuse à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales et travaille notamment à partir de la “Revue des missions catholiques africaines” ainsi que d’autres textes rédigés par les missionnaires.
Sa conférence aborde l’évolution des missions catholiques au 19ème et 20ème siècle en France (missions intérieures) et dans les colonies françaises d’Afrique (missions extérieures).
Ces activités missionnaires se sont largement développées dans le cadre de la reconstruction du catholicisme après la révolution française et se sont d’abord centrées sur la France des campagnes pour ensuite s’orienter vers les colonies.
Les prémisses des activités missionnaires intérieures
La Congrégation des Lazaristes, fondée par Saint Vincent de Paul, s’est donnée comme mission l’évangélisation du monde rural, ceci dès le 15ème siècle suite au concile de Trente.
Après la Révolution, les Jésuites, qui seront à nouveau autorisés en 1814, auront une approche similaire.
A cette époque, les missions consistent notamment à envoyer des missionnaires dans les campagnes de manière temporaire et à ériger des croix. Ces missions visent à aider au rétablissement de la religion catholique après la période révolutionnaire qui a désorganisé l’église de France.
Elles révèlent la nécessité de “reprise en main” des campagnes par l’église, de lutter contre les déserts spirituels qu’il faut évangéliser et de prévenir les risques de l’idolâtrie.
Ce travail missionnaire va s’amplifier au cours du second Empire avec comme cible les “cultivateurs” et l’ensemble du monde rural considéré comme arriéré avec des pratiques anachroniques. Mais ces actions n’étaient pas toujours bien perçues par les curés de campagne qui voyaient dans ces missions une sorte de concurrence à leur action.
A la fin du 19ème siècle, ces missions “intérieures” vont progressivement disparaître et seront remplacées par les missions “extérieures”.
Les missions extérieures
Les missions extérieures ont débuté dès le 15ème siècle avec les Jésuites en Chine. En Amérique Latine, également, les missions vont accompagner les colonisateurs.
En 1621, la Congrégation de la Propagande, dont l’objectif est d’organiser le cadre missionnaire, est placée directement sous l’autorité du Pape.
Mais c’est au 19ème siècle que l’idée missionnaire devient centrale par rapport aux colonies françaises d’Afrique.
Le courant romantique exalte l’aventure de la foi, quant à l’église, elle souhaite faire obstacle aux missions protestantes.
Dès 1815, les laïcs s’intéressent aussi aux missions et en 1822 est créée à Lyon l’Œuvre de la Propagation de la Foi. Cette institution, fondée par des laïcs, va collecter jusqu’au tiers des dons destinés aux missions extérieures.
Ce renouveau missionnaire va se poursuivre en 1856 avec la création de la Société des Missions Africaines, et en 1868 avec la Société des Missionnaires d’Afrique (les “Pères Blancs”) créée à Alger par le cardinal Lavigerie.
Le parallèle entre les missions intérieures et extérieures
Les missions intérieures et extérieures visent le même objectif d’évangélisation de populations jugées “ignorantes”.
Dans les textes du 19ème siècle, on retrouve des similarités concernant les “défauts” supposés dans les populations rurales de France et celles des colonies : ignorance, luxure, brutalité, orgueil, mépris de la personne humaine (pour les Africains), ivrogneries, … La principale différence réside dans le fait que les défauts attribués aux “cultivateurs” de France sont considérés comme d’origine volontaire, alors que pour les africains ces défauts résulteraient de la nature de ces populations et notamment de la “malédiction de Cham”. La couleur noire étant symbole du péché.
La religion populaire des campagnes françaises est jugée anachronique. Les cultivateurs sont considérés comme des “sauvages de l’intérieur”.
En France, les missionnaires vont axer leur action vers la confession. En Afrique, ce sera vers l’éducation et la santé.
Que ce soit en France ou en Afrique, les missionnaires restent séparés de leurs ouailles et s’intègrent difficilement. En France, le curé et le missionnaire sont jugés comme ayant plus de pouvoirs que les sorciers. Et en Afrique, les missionnaires sont considérés comme les sorciers des blancs.
Les missions extérieures en Afrique
Au delà de leur mission tournée vers l’évangélisation, les missionnaires sont reconnus pour leur rôle scientifique. Ce rôle scientifique est assumé et on en retrouve des traces dans les publications de l’époque comme le “Bulletin des missions catholiques” ou les “Annales de la propagation de la foi”.
Les missionnaires travaillent ainsi sur l’anthropologie, la linguistique ou les maladies tropicales.
En termes de linguistique, les missionnaires se doivent de maîtriser la langue des peuples au milieu desquels ils vivent afin de pouvoir mieux les évangéliser.
En termes d’anthropologie, les missionnaires sont sur le terrain et peuvent apporter des informations intéressantes aux “anthropologues de cabinet” qui ne se déplacent pas encore au milieu de l’Afrique.
Les missionnaires et les autorités coloniales
La rencontre entre les autorités colonisatrices et religieuses est parfois compliquée car chacun porte des intérêts divergents.
L’objectif de l’église est bien l’évangélisation des populations, mais en aucun cas de rajouter de nouveaux citoyens à la France.
Pour autant, même si au départ les missionnaires ne se mêlent pas de politique, la collaboration avec les autorités administratives coloniales va rapidement s’instaurer pour des raisons pratiques. Et ainsi, on aboutira à la situation dans laquelle “celui qui porte la croix porte le drapeau de son pays”.
L’évolution du rôle des missionnaires
Au départ, le rôle des missionnaires est bien la conversion du plus grand nombre. On retrouve d’ailleurs, dans les publications, des chiffres indiquant annuellement le nombre de conversions effectuées.
Mais à partir des années 1930, l’idée du Vatican est de promouvoir un clergé indigène. On s’oriente alors vers un objectif de “juste colonisation” et “d’humanisme colonial” avec comme but le bien et le progrès des peuples colonisés.
Les missionnaires vont alors s’efforcer de comprendre les sociétés indigènes pour les adapter au monde moderne tout en combattant le paganisme et le fétichisme.
Pour autant, dans une vision paternaliste, les missionnaires vont tenter d’éloigner les populations africaines de certains travers de la société occidentale comme la consommation d’alcool ou l’abandon de la religion.