Le CER reçoit Eric Anceau le mercredi 7 juin 2023

sur le thème : Laïcité, un principe. De l’Antiquité au temps présent 

merci aux personnes intéressées par la conférence et non membres du Cercle de bien vouloir écrire à : Cercle Ernest Renan [ernest.renan91@gmail.com]

Éric Anceau, né le  à Paris, est un historien français. C’est un spécialiste reconnu du Second Empire et de Napoléon III ainsi que de la laïcité.

Il est maître de conférences habilité à diriger des recherches à Sorbonne Université, où il enseigne l’histoire du xixe siècle et l’histoire des pouvoirs, de l’action publique et des sociétés en France et en Europe à l’époque contemporaine.

Il a obtenu le Grand Prix de la Fondation Napoléon en 2000 pour ses travaux sur le Second Empire et un grand nombre d’autres récompenses dont trois prix de l’Institut de France (en particulier le prix Guizot de l’Académie française en 2018), ou encore le grand prix littéraire du Mémorial d’Ajaccio.

La laïcité ne se résume pas à la loi française de Séparation des Églises et de l’État de 1905, par ailleurs mal connue et souvent instrumentalisée. Trouver une juste place pour les religions dans la société préoccupe l’autorité politique depuis l’Antiquité. Éric Anceau revient ici aux sources de ce questionnement en France, mais aussi dans le monde. Il décrit le rôle de la construction de l’État en confrontation parfois avec les pouvoirs religieux dont la papauté, l’influence des guerres de religion, l’intense réflexion des Lumières et de la Révolution. Il examine l’élaboration et le contenu des lois laïques des débuts de la Troisième République, en particulier de la loi de 1905, l’apaisement relatif qui s’en est suivi, les nouveaux questionnements posés par l’islam depuis trente ans.   Les exceptions à la généralité française ici expliquées, à commencer par le régime de l’Alsace-Moselle, de même que le panorama international qu’il propose font de cet ouvrage la première synthèse mondiale sur le principe de laïcité à travers les siècles

Résumé de la conférence de Marc Génin au Cercle Ernest Renan le 12 janvier 2023 — Une Découverte de l’Orthodoxie par un Occidental – Un témoignage

Introduction

Marc Génin témoigne du parcours qui l’a conduit à rencontrer l’Orthodoxie et à être ordonné prêtre dans cette religion en 2006 alors que rien ne le prédisposait à cela eu égard à son milieu familial et à son éducation.

Le parcours de Marc Génin

Marc Génin est issu d’une famille catholique romaine pratiquante. Il a une formation d’ingénieur et son parcours est ancré dans la rationalité. Il a fait du scoutisme, a été bénévole sans sa paroisse, a fréquenté l’aumônerie catholique tenue par des jésuites lorsqu’il était étudiant et il est resté proche de son ancien confesseur.

Au cours de sa carrière professionnelle, alors qu’il vivait à Metz, Marc Génin a rencontré des difficultés dans son entreprise et s’est mis à la pratique du yoga qui lui a permis “de se concentrer sur un ressenti pour arrêter de penser”. Cette pratique sensorielle a été un véritable déclic pour lui. Il a compris que “le centre de gravité de l’homme n’était pas le cerveau, mais le corps”.

C’est dans cette période qu’après avoir lu Annick de Souzenelle, il se rapproche de la religion orthodoxe. Durant les 5 années qui suivent, Marc Génin oscille entre l’église de Rome et l’orthodoxie, ce qui ne le satisfait pas. Le fait de ne pas choisir le rend littéralement malade. Et il finit par conclure qu’il doit aller vers “l’endroit qui lui apporte la vie”.

Il retourne voir son ancien confesseur qui lui donne l’absolution et l’autorise ainsi à se rapprocher de l’orthodoxie et à quitter l’église de Rome. Marc Génin rentre alors en conflit avec une partie de sa famille qui ne comprend pas sa conversion et qui le considère comme un “traître” à sa religion. Mais son choix est définitif et il rejoint l’Eglise Catholique Orthodoxe de France.

Il suit alors des cours de théologie, puis, à la suite de dissensions internes à l’ECOF, il rejoint l’Eglise Orthodoxe Serbe et plus précisément la paroisse d’Asnières. Marc Génin est ordonné prêtre dans cette paroisse en 2006 et il se consacre alors à son ministère, mais également, en tant qu’aumônier, au milieu carcéral.

Parallèlement, il donne des cours en tant que consultant, notamment à HEC.

Les spécificités du rite orthodoxe

Marc Génin note que les principaux éléments qui différencient l’approche orthodoxe de celle de l’église catholique romaine tiennent à des polémiques théologiques comme le “Crédo de Nicée” et le rajout que l’Esprit Saint procédait du Père “et du Fils”. Ce rajout “du Fils” filioque a toujours été refusé par les orthodoxes et a conduit au schisme de 1054.

Mais au-delà de l’importance de l’Esprit Saint, l’orthodoxie se distingue par une vie liturgique plus importante que celle de la religion catholique romaine.

Dans l’orthodoxie, la relation à Dieu est plus personnelle. On passe d’une posture d’individu qui se compare aux autres à celle de personne unique. Le travail sur la connaissance est également différent : on expérimente d’abord et on comprend ensuite ce que l’on a vécu. Cette approche est en opposition avec la posture binaire et cartésienne des occidentaux.

Par exemple, lors de ses échanges en tant qu’aumônier avec des prisonniers, Marc Génin parle de la vie et de la mort. Il ne s’agit pas d’aborder ces sujets sous la forme de concepts, mais en se confrontant aux réalités vécues. On parle ainsi du sens réel de la vie.

Chez les orthodoxes, la voie de l’apaisement consiste à se rapprocher du Christ. Et lorsque le Seigneur met devant nous des conflits dramatiques, il ne sert à rien de participer aux tensions, ni d’alimenter les débats qui ne sont pas à notre main. Quant à la démarche œcuménique, l’orthodoxie enseigne que lorsqu’on veut se rapprocher d’un frère, il faut se rapprocher du Christ.

L’orthodoxie a une tradition universaliste, notamment pour ce qui concerne le salut universel. Pour autant, s’il existe un universalisme dans l’orthodoxie, les orthodoxes sont peu œcuméniques. Il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un paradoxe, mais d’une antinomie. Faire cohabiter les contraires est ainsi au cœur de la vie spirituelle.

Pour l’orthodoxie, nous devons prendre nos racines dans la terre où nous habitons. Il est important, également, de rester en lien avec une église qui a la continuité apostolique. La recherche de ce lien canonique est complexe, mais nécessaire.

A Paris, il existe une douzaine d’évêques orthodoxes, ce qui est contraire aux principes. Mais l’important est de se reporter aux points essentiels.

Dans l’orthodoxie, on retrouve une diversité des rites. C’est Charlemagne qui a détruit cette diversité de rites au sein de l’église d’Occident. Mais Benoît XVI a milité pour un retour à cette diversité de rites, car l’unité n’est pas nécessairement l’uniformité. A noter qu’il n’y a pas de musique dans le rituel orthodoxe. Les énergies sont centrées sur la beauté du rite.

Résumé de la conférence de Dominique Vibrac au Cercle Ernest Renan le 15 décembre 2022 — Al-Ghazali, un Penseur Déconcertant

Introduction

Le penseur musulman d’origine perse Al-Ghazali (1058-1111) est un polymathe avec des connaissances approfondies notamment dans les domaines de la théologie, du droit, de la philosophie et des mathématiques.

D’abord de tradition soufiste, il développe sa propre pensée qui prône un islam rigoriste et il critique de manière très ferme les philosophes dont il note les incohérences. Pour Al-Ghazali, seule la transcendance libère l’homme et l’intelligence doit être bridée. Il considère que la raison est inférieure à la foi en tant que connaissance et que, par conséquent, elle n’apporte rien à la foi. De fait, sa pensée philosophique se met au service de la fermeture de l’intelligence au profit unique de la foi.

L’impact de son enseignement va avoir des conséquences très négatives sur l’évolution de l’islam ouvrant la voie à une croisade intellectuelle contre les hérétiques et plus globalement contre tous ceux qui seraient tentés de mettre la raison avant la foi. Il s’oppose en cela à Avicenne et il sera réfuté par Averroès au 12ème siècle. Pour autant, ses idées auront profondément marqué l’islam jusqu’à aujourd’hui.

Le parcours d’Al-Ghazali

Al-Ghazali est né à Tus (Tous) dans le Nord-Est actuel de l’Iran. Avec son frère Ahmad devenu prédicateur, il a reçu très tôt une instruction religieuse. Il a notamment été le disciple du théologien Al-Juwani.

Il travaille d’abord à la cour du sultan de Bagdad, mais, à la suite d’une crise mystique intérieure, il abandonne toutes ses fonctions officielles, ne supportant plus d’être un “intellectuel mondain”. Il fait alors le vœu de ne plus travailler pour autrui et retourne à Tus pour fonder une école de théologie.

Dans son ouvrage “la voie de la dévotion”, il incite les hommes à faire un chemin spirituel. Il reproche à la pratique religieuse de son temps d’être trop formaliste et souhaite une réforme de l’islam visant à plus d’authenticité personnelle. Sa croisade intellectuelle va s’orienter vers une réfutation de l’enseignement des philosophes et vers un islam plus radical. Pour lui, Dieu est une liberté pure qui fonde une nécessité universelle. A la fin de sa vie, son intolérance et sa vision anti-humaniste vont fortement s’accentuer.

Sa vision de Dieu et de ses “créatures”

Al-Ghazali professe que Dieu conditionne tout et que ses “créatures” n’ont pas de vraie liberté, ni de possibilité créatrice. Pour lui, Dieu est tout et l’homme n’est plus rien. La seule causalité est celle de Dieu au travers des choses. Sa pensée s’apparente ainsi à “l’occasionalisme” dont le principe est de considérer que les choses créées n’ont que Dieu comme causalité.

En cela, sa pensée se rapproche de celle des Augustinistes et s’oppose à celle de saint Thomas d’Aquin pour qui Dieu est “la cause des causes” (notion de causalité seconde). Pour Al-Ghazali, Dieu est tout et nul n’est digne d’amour sinon Dieu. La foi seule éclaire et il rejette tout ce qui est éloigné de Dieu. L’islam est une soumission de l’homme à Dieu, car tout dépend de la liberté divine.

Sa vision du monde créé par Dieu

Selon Al-Ghazali, Dieu a créé le monde qu’il a choisi et Dieu n’est déterminé par rien.

De fait, Dieu a créé le meilleur des mondes possible, car c’était son choix. Il admet que la loi de l’islam doit être bien comprise et il trouve dans le droit une justification pour lancer le jihad contre les mécréants.

Il professe la nécessité d’être sincère dans la dévotion et estime que la lutte contre les mauvais musulmans devient une expérience mystique nécessaire. L’adoration de Dieu doit être “cristalline”. Dans le véritable islam, l’excellence de l’adoration et de la pratique religieuse doivent correspondre autant “à l’intérieur” de soi, “qu’à l’extérieur”.

Pour Al-Ghazali, il n’y a pas de raison libre. Pour autant, il considère que la logique et les mathématiques fonctionnent bien. Il considère que les philosophes n’arrivent qu’à l’incohérence car leurs instruments logiques sont inadaptés. Il juge qu’il faut faire triompher la vérité divine et donc lutter contre les philosophes et l’éternité du monde qu’ils professent. Al-Ghazali dénonce l’esprit de tolérance qui consiste à accepter un mal pour éviter un mal plus grand. Pour lui, seul compte le combat contre l’erreur et l’impiété. Et il va même jusqu’à lancer une fatwa contre les philosophes qui, selon lui, doivent être tués. A partir d’Al-Ghazali, l’obscurantisme se développe dans l’islam et perd son potentiel intellectuel. Les héritiers des pensées répressives deviennent ainsi pauvres en pensées intellectuelles.

Postérité

Al-Ghazali sera traduit en latin par les Chrétiens d’Orient et il ira même jusqu’à inspirer certains courants du judaïsme.  Averroès va très fortement réfuter Al-Ghazali. Il explique notamment qu’Al-Ghazali prête à tort certaines théories à des philosophes comme Avicenne et fait preuve d’une certaine mauvaise foi.

Au final, on peut retenir qu’Al-Ghazali est un personnage très paradoxal avec une réflexion très puissante et une pensée très aboutie. Mais qui porte également de  nombreuses contradictions dans son enseignement. Il a ouvert la voie à une religion d’autorité fermée à la critique intellectuelle. Il a ainsi opéré un tournant obscurantiste dans l’islam en contestant les prétentions des philosophes à construire une synthèse métaphysique cohérente et définitive.

 

 

Le Cercle Ernest Renan reçoit Alain Houziaux

jeudi 10 novembre 2022 de 18h à 19h30

 Sur le thème « La résurrection, origine et ambiguïté d’une croyance. »

Par Monsieur Alain Houziaux

La résurrection de Jésus, peut-on y croire ? Comment et quand est apparue l’idée que Dieu avait « relevé » et « glorifié » Jésus après sa mort ? Qu’est-ce que cela signifie ? Que disent les premiers textes bibliques qui en parlent ? Pas forcément ce que l’on croit. Et aujourd’hui, que peut-on encore penser de tout cela ? Bref, une approche laïque et historique de cette question.

Alain Houziaux, né en 1942, est pasteur de l’Église protestante unie de France, docteur en théologie et en philosophie.

Il est l’auteur d’ouvrages de philosophie et de spiritualité. Il a notamment organisé les « conférences de l’Étoile » au temple protestant de l’Étoile à Paris. Ces conférences sont publiées aux éditions de l’Atelier dans la collection « Questions de vie » qu’il dirige.

Le Cercle Ernest Renan reçoit Marika Moisseeff

La prochaine conférence du Cercle Renan aura lieu

le jeudi 23 juin 2022 de 18 h à 20 h

sur le thème :

« Le mort, ses proches et les autres : une perspective culturelle comparative »

par 

Marika Moisseeff

les personnes intéressées sont priées d’envoyer un courriel à ernest.renan91@gmail.com

 

Marika Moisseeff est ethnologue et psychiatre pour adultes et enfants, chercheur au CNRS membre du Laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France. Ses travaux anthropologiques sont consacrés à l’étude culturelle comparative des représentations du sexe et de la procréation dans les sociétés occidentales contemporaine et dans d’autres contextes culturels, notamment celui des Aborigènes australiens où elle a effectué un travail de terrain de plusieurs années en tant que Visiting Research Fellow à l’Australian Institute of Aboriginal and Torres Strait Islander Studies. Cette perspective l’a conduit à travailler sur les rites d’initiation, les objets cultuels utilisés dans les rites de fertilité et, plus récemment, sur la science-fiction en tant que mythologie occidentale contemporaine.

Si loin, si proche - Quand le mort saisit encore le vif

Dans ce livre, il s’agira de restituer au cadavre la place singulière qui lui est réservée, de tout temps et en tout lieu, en raison de la puissance qui s’en dégage et qui permet de l’ériger en véritable objet de culte .

Marika Moisseeff, psychiatre et ethnologue, est chercheur au CNRS rattaché au Laboratoire d’anthropologie sociale (Collège de France/ EHESS/CNRS-Université de recherche PSL). Elle participe à la formation des thérapeutes, des travailleurs sociaux et du personnel médical, notamment à Paris 8, et est responsable avec Michael Houseman de l’atelier mensuel Nouvelles formes de médiation relationnelle à La Sorbonne. Ses recherches portent sur les processus de constitution des identités, personnelles et collectives, et l’articulation des problématiques de genre avec les représentations de l’altérité culturelle. Elles se fondent sur un travail de terrain au long cours dans une communauté aborigène du Sud de l’Australie, et sur une approche comparative des représentations de la différence des sexes et de la procréation. En l’amenant à appréhender la culture occidentale contemporaine à partir du regard éloigné de l’ethnologue, ses travaux lui ont permis de proposer de considérer la science-fiction comme la mythologie de cette aire culturelle et l’institution médicale comme une institution religieuse laïque à laquelle revient la gestion des corps vivants et morts. Elle a publié deux livres, Un long chemin semé d’objets cultuels : le cycle initiatique aranda (EHESS, Coll. Cahiers de l’Homme, 1995) et An Aboriginal Village in South Australia (Aboriginal Studies Press, 1999), ainsi que de très nombreux art